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Photo du rédacteurHugo (@__cinemaccro__)

[BIFFF] INTERVIEW DE MATHIEU TURI AUTOUR DE MEANDRE


Pour cette première interview du BIFFF nous avons choisi Mathieu Turi, un de nos représentants français qui est présent avec son film Méandre.

Méandre est son deuxième long-métrage après Hostile, sorti en 2018 et il raconte l'histoire de Lisa, qui se réveille dans un tube sans souvenirs de comment elle est arrivée ici. Elle découvre un bracelet avec un compte à rebours et comprend rapidement qu'elle va devoir continuer d'avancer et déjouer les pièges du tube si elle veut espérer survivre.


C’est ton deuxième long-métrage de genre après Hostile (2018) pourquoi avoir choisi le genre et est-ce compliqué de le produire aujourd’hui en France ?


C’est un peu le genre qui m’a choisi, le premier film que j’ai vu c’était The Thing de Carpenter j’avais 6 ans, après j’ai enchaîné avec Alien, Predator, Terminator, tout Cameron, tout Spielberg donc très très vite ça m’a parlé. Mais c’est assez tard [que le genre est arrivé], moi je faisais des courts-métrages quand j’étais gamin après à 18 ans je suis allé à Paris faire l’ESRA donc ça m’a permis de faire encore des courts et d’étudier tout. Et en fait je cherchais un peu mon style, je faisais un peu du sous-Tarantino et c’est assez tard, en fait je sortais de l’Avatar Day en août 2009 (premières images d’Avatar). Et donc j’ai décidé de faire le top de mes films favoris et je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de genre et c’est là où je me suis dit « je vais essayer de faire un court-métrage de genre » et en fait c’était mon premier vrai court Sons of Chaos et on a terminé à SITGES en compet et ça a un peu tout déclenché. Donc très vite j’ai trouvé que c’était là où je voulais m’épanouir. Et pour répondre à ta question, je ne peux pas moi dire que c’est dur alors que c’était beaucoup plus dur il y a encore quelques années. Aujourd’hui tu sens qu’il y a une vraie envie de faire du genre en France. Un film comme Méandre il y a 3/4 ans ça aurait été beaucoup plus dur à monter. Même à l’époque d’Hostile, c’est un film qu’on a fait hors-système pour 1 million d’euros qui ne devait même pas avoir de sortie salle en France et c’est un film pour l’inter qui a bien marché à l’inter. Avec Méandre on a eu direct un distributeur français, on a eu OCS qui a validé le projet et c’est un film qui s’est fait dans un développement classique de film français. C’est un film où on a tapé entre 2 et 3 millions d’euros et on ne peut pas aller plus haut parce que c’est les chaînes de télé qui financent et qu’elles ont l’obligation de le diffuser après donc on sait que TF1, M6, France 2 passeront pas de films de genre. Donc on se retrouve avec moins de guichet et donc moins de budget et il n’y a pas eu un succès suffisant en salle pour que tout le monde risque plus d’argent que ce qu’ils risquent déjà.

Tes deux films mettent en scène deux femmes qui doivent se débrouiller par elles-mêmes face à un danger constant : est-ce un sujet important pour toi ou quelque chose qui s'est fait naturellement ?


Ça s’est fait assez naturellement parce que c’est lié à l’histoire. Hostile parlait déjà d’un couple, je voulais mettre en parallèle deux histoires différentes et je trouvais que c’était plus intéressant de le faire du point de vue du personnage féminin, parce que ça me permettait de symboliser la créature et son mec de façon intrusive.

Dans Méandre je voulais parler de maternité, de deuil de l’enfant et de pleins de choses qui raisonnent mieux avec un personnage féminin. Mon but n’était pas d’être voyeur, on le voit dans le costume, dans la façon dont elle est filmée ou même dans la façon dont Gaia [Weiss] interprète le rôle. Ce n’est pas le regard d’un personnage masculin sur un personnage féminin, c’est juste un personnage qui doit évoluer et je ne me pose pas la question de ce regard-là et je pense qu’il faut vraiment dépasser ces trucs-là pour faire des rôles féminins. Et j’irai même au-delà en disant qu’encore plus que des rôles féminins, il faut que des autrices, des réalisatrices et des productrices puissent travailler sans encombre comme nous on peut le faire. C’est en train de changer, on n’y est pas encore mais c’est en train de changer dans le bon sens et que ce soit Julia Ducournau (Grave), Coralie Fargeat (Revenge) ou même Zoe Wittock avec Jumbo, c’est des femmes qui s’expriment sans qu’on se pose la question si c’est des femmes ou pas et elles ont autant voire plus à raconter que nous.

@AlbaFilms


Comme on peut le constater dans la bande d'annonce, Méandre est un film qui se déroule dans des espaces clos et très étroits, ce qui n'a pas dû être facile à filmer, comment s'est passé le tournage ?


C’est un film qu’on a tourné entièrement en studio et très vite on s’est rendu compte que le décor allait prendre une place folle puisqu’il y a énormément de pièges et à chaque fois c’est un module différent.

Il y a également tout l’extérieur : tu es dans un tube mais il y aussi la machinerie, la façon de l’éclairer etc. et tout est surélevé et donc rien que ça c’est une grosse machinerie.

On avait un tube de 12 mètres pour tous les moments où elle crapahute sur une longueur etc. Mais sinon on avait énormément de petits décors et on en avait tellement que même avec presque 1000m² de studio on n’avait pas assez de place.

Donc le soir on décidait des décors qu’on allait utiliser pour le lendemain et la déco la nuit réinstallait certains décors parce qu’on n’avait pas la place pour tout mettre entièrement.

Après pour chaque décor on pouvait retirer un côté ou l’autre selon le plan qu’on voulait faire et après on a créé de la machinerie pour faire des plans très compliqués pour que la mise en scène reste vraiment au service de l’histoire.


Méandre est un film qui parle du deuil, dirais-tu que le tube (et toutes ses épreuves) est une métaphore de ce deuil ?


Dès l’écriture c’était ce que je voulais raconter entre autres, très vite quand tu trouves une idée et que tu te dis je vais faire un huis-clos à la Cube (1997) mais dans un truc allongé où elle doit tout le temps avancer et que si elle s’arrête c’est mort donc il y a un côté anxiogène mais ça pourrait être un court-métrage. Si c’est pour se prendre 1h30 de piège et de souffrance non. Donc je me suis dis qu’il fallait une dimension psychologique et très vite c’est le deuil qui a pris le dessus parce que ça me permettait de relier les différentes étapes du deuil à des épreuves physiques. Ça permettait d’avoir des épreuves physiques et des épreuves psychologiques et qu’il y ait une logique à tout ça. Après il y a le tube et la lumière au bout du tunnel qui a un rapport à la mort et à la vie après la mort, tout ça s’est mis en place et très vite c’est devenu logique pendant l’écriture de garder ça et d’avoir quelque chose à raconter sur ce sujet plutôt que de se taper 1h30 de pièges même si c’est fun.

@AlbaFilms


On sent une inspiration de Cube dans le concept général mais quelles ont été tes autres inspirations ?


J’adore Cube, je l’ai revu il n’y a pas longtemps et je ne l’avais pas revu depuis que j’étais ado donc bien sûr il y a des inspirations indirectes mais je ne l’ai pas revu exprès pour me dire « tiens qu’est-ce que je vais aller lui piquer à Vincenzo [Natali] ».

Je voulais faire un film qui raconte autre chose, qui soit plus dans la mythologie, dans le mysticisme et que ça parle de foi, de vie après la mort, de résurrection sans que ce soit le sujet.

Après des inspirations sur Méandre il y en a plein, ça s’inspire beaucoup du jeu vidéo aussi il y a un côté épreuve. Inconsciemment, il y a tout un truc sur la progression comme dans un jeu vidéo vers le die and retry non pas que ça en soit un non plus. Après c’est des influences qui viennent toutes seules quand tu écris et que tu réalises etc., tes références sortent de partout et j’aime bien mélanger. Par exemple, mon prochain film c’est pas mal inspiré de Lovecraft. C’est rare en tous cas pour moi de me poser et de me demander ce que je vais prendre comme référence pour le film même si tu l’as au tout début quand tu développes les films et que tu les présentes souvent tu mets des poster. Donc pour Méandre on avait un poster de Cube, de Buried mais aussi des trucs d’Hideo Kojima


Pour rester en vie dans Hostile, Juliette doit rester au même endroit alors que dans Méandre c'est précisément le contraire quelle perspective trouves-tu la + intéressante ?


Pour répondre indirectement à ta question, je trouve qu’il y a un peu la même démarche. Dans Hostile, elle se déplace dans ses souvenirs donc l’idée c’était qu’il y ait un déplacement et une progression de la narration en lien avec son passé. Là l’idée c’est plus d’avoir un rapport de progression physique et mentale donc c’est toujours assez bicéphale quand j’écris quelque chose et dans le prochain c’est aussi le cas mais d’une autre façon. Donc ma préférée je ne sais pas mais quand tu fais un premier film on dit souvent que tu mets tout dedans parce que tu ne sais pas si ça ne va pas être le premier et le dernier en même temps donc dedans il y a tout et c’est souvent les qualités et les défauts des premiers films. Je dirai que Méandre est plus tourné vers le public, que ce soit un peu un ride et que ce soit une expérience pour le spectateur là où Hostile comme c’était pour moi et que c’était un scénario que je travaillais depuis longtemps, je voulais mettre plein de choses qui m’intéressait vraiment. Non pas que Méandre ne m’intéresse pas mais c’est un film plus tourné vers le public pour faire vivre l’expérience sensorielle physique et mentale ou juste prendre son pied à regarder le film et à vouloir savoir la fin. Sans choisir, c’est deux films très différents malgré leurs points communs.


La sortie de ton film est prévue au 16 juin dans un contexte d’incertitude pour le monde de la culture, de plus on annonce plus de 400 films prêts à sortir (y compris ceux des gros studios américains) : penses-tu que Méandre arrivera à “tirer son épingle du jeu” et à trouver son public ?


On est dans un cas de figure où dans 15 jours on va avoir un planning et en fait on va se rendre compte qu’on n’ouvre pas tout de suite donc c’est très compliqué. A la limite j’ai fait mon taff moi mais je suis vraiment aidé par un super distrib qu’est Alba Films qui par exemple, a voulu sortir la bande d’annonce un peu plus tôt que prévu pour faire vivre le film un peu plus tôt. Trouver son public c’est très compliqué déjà dans un temps normal de pouvoir parier sur ça alors des films de genre pendant le COVID on n’en sait rien. Il y a des exemples et des contres exemples, Alba a sorti un film qui s’appelle The Demon Inside en 300 copies (au lieu de 50/100) et qui a fait 180 000 entrées donc c’est plus que Grave avec un film sans casting connu.

Donc on ne sait pas trop ce qui va se passer mais la différence c’est que là il y a beaucoup de gros films américains : par exemple on a Sans Un Bruit 2 qui est tombé pile le 16 juin. Je ne sais même pas quand on va sortir pour l’instant on est au 16 juin, on y croit, on espère et on verra ce qu’il se passe. Donc trouver son public, je pense et j’espère mais après trouver plus que son public c’est ce qui nous permettrait de faire un beau score. Heureusement en France on a un public de genre très fidèle, les fans de genre aiment voir les films en salle mais ils représentent une petite partie. Ce qu’on a voulu faire avec Méandre c’est se tourner vers un public qui aime le genre tout court, qui va voir aussi bien les Ari Aster que les James Wan. [On vise] ce public qu’on n’arrive pas assez à capter en France qui est les 16-25 ans qui veulent voir des bons films [peu importe la nationalité] et des films qui sont tournés vers eux. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Méandre : un film qu’on peut voir à plusieurs, qu’on peut revoir donc on verra.

@AlbaFilms


Que représente cette sélection au BIFFF pour toi ?


Pour moi c’est hyper gratifiant et frustrant parce que la qualité numéro 1 du BIFFF malgré toutes ses qualités, c’est le public et les projections. En plus je trouve que Méandre est un film qui nécessite des réactions et ça aurait été génial d’avoir les réactions légendaires du BIFFF donc oui le fait que ce soit en ligne c’est frustrant. Néanmoins je trouve ça génial qu’un festival aussi important que le BIFFF parce que ça nous permet à nous réalisateurs de montrer nos films à un public qui aime ce genre de cinéma et ça nous aide énormément. Une sélection au BIFFF c’est un peu comme quand on te dit que tu es sélectionné aux Oscars et que tu as gagné. Être sélectionné au BIFFF ce n’est pas rien parce qu’un plus ils prennent peu de films donc j’ai vraiment sauté au plafond quand on m’a dit ça.

Je suis vraiment très fier de faire partie de la sélection et j’espère revenir avec un autre film pour avoir le retour du public.

Je tiens quand même à noter pour ceux qui ne l’avaient pas remarqué que j’ai fait ma chanson pendant l’intro du film, je sais que c’est la tradition donc j’ai chanté, mal mais j’ai chanté.


Interview réalisée par Hugo Malojo, également dispo en vidéo ici :


 

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