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COMPARTIMENT N°6 : PLUS LOIN QUE LA NUIT ET LE JOUR



SORTIE 3 NOVEMBRE - DRAME/COMEDIE - FINLANDE/ALLEMAGNE/ESTONIE/RUSSIE - 104MIN

réalisé par JUHO KUOSMANEN

avec SEIDI HAARLA YURIY BORISOV DINARA DRUKAROVA

 

Présentation Une jeune Finlandaise prend un train à Moscou pour se rendre sur un site archéologique en mer arctique. Elle est contrainte de partager son compartiment avec un inconnu. Cette cohabitation et d’improbables rencontres vont peu à peu rapprocher ces deux êtres que tout oppose. Deuxième long-métrage, deuxième prix au festival de Cannes : c’est la belle performance accomplie par Juho Kuosmanen, réalisateur finlandais qui nous fait voyager jusqu’en mer Arctique avec le très beau Compartiment n°6, lauréat du Grand Prix 2021, cinq ans après avoir remporté le prix Un certain regard pour Olli Mäki.

 

Laura (Seidi Haarla), étudiante finlandaise en archéologie à Moscou, embarque à bord d’un train-couchette à destination de Mourmansk, une bourgade charmante quoique constamment gelée, au-delà du cercle polaire arctique russe. Son objectif : voir des pétroglyphes, à savoir des dessins sur pierres datant de plusieurs milliers d’années. Pas de chance, elle devra partager son compartiment avec Lioha (Yuriy Borisov), jeune ouvrier russe déjanté avec un sévère penchant pour la bouteille, se rendant à Mourmansk pour travailler dans une mine. C’est peu de dire que le début de la cohabitation ne sera pas évident : Lioha est intrusif, insultant, et surtout beaucoup trop saoul. Bref, on pourrait presque croire que Juho Kuosmanen s’est lancé dans un remake cauchemardesque de Before Sunrise (petit bijou de Richard Linklater, mettant en scène une rencontre amoureuse dans un train quelque part en Europe de l’Est), mais ce n’est que le début d’une jolie histoire entre Laura et Lioha dans laquelle nous nous laissons joyeusement embarquer.


Les films comme Compartiment n°6 se font rares. Il est de ceux qui vous transportent dès les premières minutes, dont on détecte instantanément la particularité – une sensation qui ne nous quitte pas jusqu’au générique de fin. C’est d’autant plus étonnant lorsqu’on se rend compte que l’œuvre de Kuosmanen n’a justement rien de particulier, si ce n’est qu’elle va à l’essentiel. Un scénario simple et dénué des multiples péripéties propres aux récits d’aujourd’hui, un jeu d’acteur.rice constant et convaincant, une bande-originale épurée (on se retient tout juste de monter sur son siège pour danser sur « Voyage voyage » de Desireless), le tout sublimé par une belle réalisation sans prétention. Justesse, simplicité et efficacité seraient les maîtres mots de Compartiment n°6. Parce que, soyons honnêtes, 1h47 sur une jeune femme en quête de pétroglyphes, ça aurait pu être chiant comme la pluie (mes excuses aux éventuel.le.s lecteur.ice.s aficionados d’archéologie) si Juho Kuosmanen n’avait pas trouvé le parfait équilibre.

 

Le duo formé par Seidi Haarla et Yuriy Borisov nous offre une délicate alchimie, qui fait une grande partie du charme de Compartiment n°6. La justesse de leur jeu d’acteur.rice et la finesse du scénario (quoique parfois prévisible) font vivre la relation unissant Laura et Lioha. De la cordiale ignorance au mépris, leurs rapports vont progressivement se développer au sein de leur petit compartiment – dont ils s’extirpent à plusieurs reprises pour de petites escapades qui les rapprocheront peu à peu, notamment une mémorable cuite à la gnôle (rien de tel pour tisser des liens, c’est bien connu). Laura et Lioha vont tous deux apprendre à baisser leur garde et à faire tomber les murs qui les séparent : le mépris de classe pour elle, les stéréotypes sexistes pour lui. L’œuvre de Juho Kuosmanen est un grand film sur la jeunesse, les voyages, et évidemment sur les rencontres et aléas qui vont avec. Plus qu’un périple à travers la Russie, c’est presque un voyage initiatique dans lequel se lancent Laura et Lioha. Ils évoluent, se remettent en question ; bref, ils vivent.

 

Compartiment n°6 se joue du temps. Bien que l’on puisse deviner que l’histoire se déroule dans les années 90 (notamment grâce au caméscope de Laura, les vêtements des personnages ou encore la durée du trajet pour faire Moscou-Mourmansk), rien ne le confirme. De même que l’époque dans laquelle s’ancre le récit, sa temporalité reste floue. Les journées et les nuits passent, les unes après les autres, ponctués par des arrêts en gare. Mais peu importe le temps qui passe, puisque le train n’est rien d’autre qu’un prétexte pour nous offrir une histoire universelle et intemporelle : celle de deux individus que tout sépare, contraints par la vie à se fréquenter et s’apprivoiser, qui vont finalement s’adopter (et pourquoi pas s’aimer ?). « Voyage voyage, plus loin que la nuit et le jour » : jamais une œuvre n’a autant résonné dans les paroles du tube de Desireless.


 

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