Sortie 1 février 2023 - Drame / Grande Bretagne - 1H42
Réalisé par Charlotte Wells Avec Paul Mescal / Frankie Corio / Célia Rowlson-Hall / Sally Messham
Ce premier long-métrage de Charlotte Wells est une histoire de regards et de non-dits, portée par la complicité fusionnelle des comédiens. Aftersun est une ode à l'amour père-fille.
Un père et sa fille de 11 ans séjournent pendant quelques jours dans un club de vacances sur la côte turque, à la fin des années 90. C'est un film rempli de petits riens qui mis bouts à bouts font des souvenirs de vacances. Ce film fait partie de la catégorie très restreinte de films qui, par un aspect faussement monotone, caches-en son sein une merveille de non-dits et de messages subtils. D'abord on ne savait pas où le film voulait en venir, et d'un coup on a vu toute la mélancolie des moments de bonheur, savourés par le papa comme "des derniers", se forçant à profiter du présent, vivant tout au passé. Il nous a brisé le cœur. Entre Sofia Coppola et Lynne Ramsay, Charlotte Wells parvient à saisir tous ces instants propres à ce genre d’expérience infantile. Il s’en dégage en effet une petite musique relativement envoûtante, une patte certaine et qui se définira certainement encore plus avec le temps.
Derrière chaque plan s'insinue un trouble croissant. Tout se dévoile par bribes, de manière sensitive et instinctive, alors que la petite Sophie se forge également. La douce mélancolie exprimée par Callum est sous-jacente d'une grosse dépression. Un père qui aime désespérément sa fille mais qui ne peut lui offrir une vie stable ni la voir autant qu'il le voudrait, un père qui souffre terriblement de se voir vieillir et oublié mais qui, malgré tout ce qui le torture, maintient la tête à la surface pour offrir de superbes vacances à sa fille. Quand on est jeunes, on ignore que nos parents éprouvent des émotions tout comme nous, on est souvent trop petits pour le comprendre. Et pourtant ce sont bel et bien des humains, avec une sensibilité, avec des peurs et des doutes... quand on a la chance d'apprendre à les connaître en grandissant, on découvre tout un monde qui nous était passé au-dessus. Quel drame se joue derrière les joies de l'instant, pour ce duo qui se (re)découvre ? De quoi souffre vraiment ce père aimant, si malheureux lorsqu'il se retrouve seul ? L'on ne peut qu'esquisser des débuts de réponse et imaginer la raison qu'a une jeune femme aujourd'hui de se replonger dans les souvenirs de son passé. Là où Aftersun intrigue et, finalement, séduit, c'est dans son refus d'expliquer clairement de quoi il retourne, sans pour autant cesser de nous obliger à réfléchir à ce qui se cache derrière un récit faussement banal.
Il y a une séquence absolument déchirante : le karaoké, lieu commun un peu éculé des films de vacances est utilité totalement à contre-emploi. D'habitude il sert à marquer la fin du séjour, montrer la bonne ambiance, là c'est tout l'inverse. La scène est dure et on a compris que ce qui doit arriver n'arrivera pas, ce qui la rend encore plus triste. Une scène de rave ponctue de manière métronomique Aftersun. Des effets de lumière stroboscopiques découpent une silhouette au milieu de la foule. Un moment, elle révèle un visage, sur lequel on pense lire une émotion. L'instant d'après, c'en est une autre. Puis encore une autre, et ainsi de suite pendant une trentaine de secondes. C'est l'une des nombreuses trouvailles de Charlotte Webb - dont c'est le premier long-métrage - pour représenter la mémoire et son fonctionnement (images fragmentaires, sensations, interprétation libre selon l'âge et le point de vue).
Paul Mescal habite ce père de famille jeune mais déjà cassé. Par un simple regard, son visage impassible fait communier joie et/ou tristesse avec une grande puissance. Frankie Corio mérite autant d'éloges, absolument parfaite de naturel malgré la difficulté du rôle de Sophie.
Un mystère entoure toute la vision du film. Récit d’une adulte se remémorant l’été passé avec son père, pour tenter d’en redéchiffrer, de comprendre, peut -être en changer des choses, les signes qu’un enfant ne peut déceler chez un adulte. Dans cette vieille caméra, les souvenirs se rembobinent pour traverser le temps et permettre une nouvelle fois à une fille de voir son père.
Comentarios