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Photo du rédacteurThibault (@lecinemadethibault)

Critique La nuit du 12


Sortie 13 juillet 2022 - Policier / Thriller / France / Belgique - 1h54

Réalisé par Dominik Moll Avec Bastien Bouillon / Bouli Lanners / Anouk Grinberg / Johann Dionnet

 

Chacun cherche son cas.La Nuit du 12, adapté du roman de Pauline Guéna 18.3 - Une année à la PJ raconte le meurtre inexpliqué de Clara, une jeune de 21 ans.


D'emblée, le film s'affranchit d'une convention. L'affaire dont on va suivre le déroulement ne trouvera pas de résolution. Une sacrée audace, la note d'intention est intégrée. On cherche le coupable, l’essentiel est ailleurs.On n’a pas besoin de voir le fin mot pour ressentir les maux de l'histoire. On reconnaîtra l'horrible assassinat de Maud à Lagny-sur-Marne en 2013, dont le coupable court toujours.


Le film débute sur un vélodrome où un flic se défonce sur un vélo comme pour se vider la tête, évacuer le stress. Un lieu épuré de toute beauté, terne, impersonnel qui annonce d'emblée un film clinique, précis, immersif. L’immersion est à la fois simple et primaire au sein d'une enquête qui tourne en rond, qui mène nulle part et qui par conséquent crée des tensions et des crises.Les suspects défilent et les nerfs des enquêteurs sont mis à rude épreuve.Quelques piques sur le fonctionnement quotidien et le manque de moyens : la photocopieuse qui ne fonctionne pas alors qu’il faut tout photocopier dans les procédures, les heures supplémentaires qui sont faites mais qui ne sont pas comptabilisées, les moyens matériels et budgétaires qu’il faut quémander...Et l’affaire criminelle qui, trois ans plus tard, se retrouve enfouie sous une pile d’autres dossiers, n’évoluant plus mais hantant l'esprit des enquêteurs autant en raison de la nature du fait divers que de l’échec de l’enquête.L’opposition entre problèmes professionnels et problèmes personnels pour les policiers est abordée avec subtilité. Le film à enquête se métamorphose en introspection d'un mal qu'on est bien en peine de couper à la racine.




 

"Vous ne trouvez pas ça bizarre, que ce soit majoritairement les hommes qui commettent les crimes, et que ce sont majoritairement les hommes qui sont sensés les résoudre... ça doit être ça un monde d'hommes" ? Toute l'essence du film découle de cette problématique.Il explore ce fait divers qui n’a pas d’autre nom qu’un féminicide et qui met les enquêteurs, tous des hommes, en face de leur propre attitude envers les femmes. Ce que le scénario montre avec beaucoup de pertinence, c’est que même si c’est bien un homme qui a tenu le briquet, sa motivation est à chercher du côté de tous les hommes. Moll filme des enquêteurs chez qui cette vérité s’impose doucement, les mettant de plus en plus mal à l’aise. Dans La nuit du 12, la masculinité est intrinsèquement toxique.Une femme tombe dans l'obscurité, les hommes se révèlent en plein jour.


Dominik Moll sait créer une atmosphère rien que par le cadre.Les Alpes qui entourent Saint Jean de Maurienne étouffent littéralement le contexte et les personnages de cette histoire.La réalisation bien ciselée et clinique, s’attache à bien disséquer l’enquête elle-même ainsi que les personnages du film. Une enquête policière renvoyant à la fois à Zodiac et à Memories of Murder qu'au style brut de décoffrage d'un Polisse.




 

En policier taiseux et tourmenté, Bastien Bouillon tient le film de bout en bout avec beaucoup de finesse. Il semblait à jamais cantonné à certains troisième rôles, l'apport, pour l'économie apparente de son jeu et sa diffuse singularité, finit d'emporter le tout.Bouli Lanners, derrière un sempiternel côté bourru, parvient à se renouveler à chacun des personnages qu'il incarne. Il est exceptionnel. Ensemble, ils sont prodigieux de sincérité. Mention spéciale pour Pierre Lotin, dans le rôle d’une vraie ordure. Susciter autant de dégout en si peu de seconde, c’est assez rare. Quel bonheur de revoir Anouk Grinberg au cinéma toujours aussi émouvante et dans une grande économie de moyen.

Plus qu'une enquête, La nuit du 12 est une œuvre sociétale d'une finesse et d'une sensibilité rare. Entre fausses pistes, obsessions et impuissance, un polar du quotidien réussi, dressant un portrait fracturé du rapport hommes-femmes, mais sans jamais verser dans l'outrance. Une nuit sans fin.

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