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Photo du rédacteurThibault (@lecinemadethibault)

Critique Les passagers de la nuit




Sortie 4 Mai 2022 - Drame / France - 1H51

Réalisé par Mikhaël Hers Avec Charlotte Gainsbourg / Quito Rayon Richter / Noé Abita / Emmanuelle Béart

 

Après Amanda où l’on suivait Vincent Lacoste à la suite de la perte prématurée de sa sœur dans des attentats, Ce sentiment de l’été qui explorait la reconstruction mutuelle d’une sœur et d’un amant après une disparition soudaine, et Memory Lane nous faisant entrevoir les adieux à un lieu d’enfance, Mikhaël Hers poursuit son exploration sensible du deuil avec ici le récit de la reconstruction d’Elisabeth qui vient d’être quittée par son mari et qui doit assurer le quotidien de ses deux adolescents, Matthias et Judith. Il nous livre un film extrêmement personnel et touchant avec Les Passagers de la nuit.


Le film s'inscrit dans le temps du premier mandat de Mitterrand, de l'euphorie du 10-Mai à la réélection, 7 ans plus tard. Ce qui permet notamment de laisser les personnages cloper avec enthousiasme, en tous lieux et tout temps. On traverse donc les années 80, cette fabuleuse parenthèse enchantée. L'émission de nuit de France Inter installe l'atmosphère propice à ces rencontres humaines si riches. Il parvient à saisir le pouls de la ville lumière entre images d’archives et séquences habilement et discrètement reconstituées. Le principe de mélanger des images d’époque avec des séquences tournées de nos jours grâce à un « grain » commun fonctionne plutôt bien.



 

Elisabeth est l’une de ces passagers et qui aura la lourde tâche de porter sa famille vers un lendemain de plus en plus lumineux. Elle est la pièce maîtresse du film. Elle a de profondes blessures intimes : son mari qui vient de la quitter, la renvoyant à sa solitude et au fait qu'elle se soit sacrifiée pour sa famille, n'ayant jamais travaillé ; le sentiment d'être nulle et jamais à la hauteur. On observe ou devine les fêlures des personnages, tous un peu perdus à leur manière. Certaines sont apparentes, d’autres sont enfouies profondément, masquées sous un voile de pudeur et de fierté.


Le film sait éviter à la fois la nostalgie facile et le désenchantement convenu, pour se concentrer sur la sensibilité bourrée de romanesque de tous les personnages en pleine construction ou reconstruction amoureuse.


Comme dans ses précédents films, Mikhaël Hers crée des ambiances tout à fait poétiques. Ici, c’est le XVème arrondissement de Paris et surtout le quartier Beaugrenelle avec ses grandes tours, ses esplanades, la Seine en contrebas, des rues plus résidentielles, la Maison de la Radio en face...qui sert d’écrin au drame.



 

La belle idée est d’inscrire son récit dans les pas de celui des Nuits de la pleine lune d’Eric Rohmer. C’est intelligent car le film de Rohmer, pour évoquer les années 80, a sans doute bien plus de force que n’importe quelle chanson de l’époque, n’importe quel style vestimentaire ou élément de décoration. Une force qui doit beaucoup à feu son actrice principale, Pascale Ogier, incarnation d’une jeunesse se livrant aux excès de la fête et sans doute aussi aux produits qui vont avec - on ne sait si la crise d’angor qui a entraîné sa mort, à 25 ans seulement, deux mois après la sortie du film, est due à une consommation de drogue plus qu’à un souffle au cœur. Un décès brutal qui a laissé un grand vide pour toute une génération se reconnaissant en elle ; sa grâce particulière, sa voix au timbre fluet, son mode de vie effréné. Le fantôme de Pascale Ogier hante avec une infinie douceur Talulah.


Charlotte Gainsbourg, dans le rôle d’une mère courage douce et bienveillante, nous transmet ses émotions avec une grande élégance. Tout en sensibilité et en timidité, elle livre une prestation éblouissante dont elle seule a le secret. Faubourg des vagabonds, entre boulevard du crépuscule et l'avenue de l'inconnu, elle renait au chevet d'une ville qui ne dort jamais. Noée Abita, étoile montante du cinéma français, interprète avec une douceur quasi hypnotique et avec une voix et un phrasé assez uniques le personnage de Talulah, jeune fille paumée dans la capitale. Emmanuelle Béart est charismatique dans cet hommage à Macha Beranger et mériterait des scènes supplémentaires.



 

La musique, aussi douce que le sont les sentiments et les tourments évoquées dans le film, ainsi que la discrète bande originale, entre Joe Dassin et Kim Wilde, participent à ce sentiment d’un Paris intemporel, magnifié durant cette période pas si lointaine.


Hers est un grand scénariste et un beau cinéaste de l’intime. Avec la douceur qu’on lui connaît, dans ce Paris de pleine lune, il convoque les fantômes du passé pour mieux décliner larmes et sourires. Et si le bonheur c'était de danser sur un slow de Dassin ?

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