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Photo du rédacteurThibault (@lecinemadethibault)

Critique Peter Von Kant


Sortie 6 juillet 2022 - Comédie dramatique / Drame / Comédie / France - 1h25

Réalisé par François Ozon Avec Denis Ménochet / Isabelle Adjani / Khalil Gharbia / Stefan Crepon

 

François Ozon s’était déjà frotté à l’univers de Fassbinder en adaptant Gouttes d’eau sur pierres brûlantes avec Bernard Giraudeau et Malik Zidi. Cette fois ci, il adapte librement une pièce de théatre de Rainer Fassbinder, Les larmes amères de Pétra Von Kant.


Ozon a remplacé le personnage principal joué par une femme, styliste de mode réputé par un célèbre cinéaste allemand. La star de la mode (Margit Carstensen) est devenue un cinéaste à succès. À l’obscur objet du désir qu’était Hanna Schygulla succède un gigolo arriviste et manipulateur, décidé à percer dans le cinéma sans effort, et qui est incarné par Khalil Ben Gharbia. Quant au rôle muet de la domestique et assistante humiliée (Irm Hermann), il est ici tenu par Stefan Crepon dans un emploi identique. Le parti pris de transposer l’intrigue au masculin fonctionne bien, faisant du personnage de Peter Von Kant un écho direct à Fassbinder lui-même, et transformant de fait le film en presque biographique. Ce que Fassbinder n'avait pas déclaré ouvertement sur pellicule Ozon le fait.



 

Peter Von Kant joue la carte du faux remake pour peindre l’esprit de Fassbinder avec les couleurs d’Ozon.Il existe un lien entre les deux filmographies que vient subtilement renforcer l’univers musical. La chanson de Querelle, Each man kills the thing he loves chantée par Jeanne Moreau, est cette fois réappropriée en allemand par Adjani. Et l’on reconnait La fenêtre, une musique de 8 femmes de Krishna Levy qui prend possession du huis clos fassbidien.Il est aussi question d’un projet de scénario autour d’une Allemande dans l’après-guerre, qui évoque d’emblée Le mariage de Maria Braun.


Le film se déroule quasi exclusivement dans l'appartement-atelier de Von Kant et se réduit à six personnages : Peter et son assistant Karl qu'il rudoie, son amie Sidonie, le jeune Amir, vite devenu son amant, Gabrielle la fille de Von Kant et enfin sa mère.Évidemment c'est clairement du théâtre filmé, assumé comme tel. Plutôt que de gommer les aspects théâtraux, il les accentue et les met en avant. Il a gardé une structure en actes. Une théâtralité qu’Ozon parvient à revitaliser grâce à un astucieux travail d’écriture et de montage, privilégiant ainsi le dynamisme à la littérarité, l’expression mi-sérieuse mi-fantaisiste des acteurs et le goût pour la farce à une mise en scène rigide et compassée.



 


Peter Von Kant est un film sur le pourvoir et l’obsession. Il y a le pouvoir social (le metteur en scène face à son domestique), le pouvoir artistique (entre le cinéaste et son actrice), le pouvoir sentimental qui est lié ici au pouvoir économique (le cinéaste et son jeune amant) et bien sur le pouvoir familiale et particulièrement le pouvoir maternel.Qui possède le pouvoir ? Et pour combien de temps ? Ici, il n’y a pas de point de bascule, Ozon préférant faire une ellipse. Comment l’obsession artistique initiale se transforme en obsession sentimentale, pour ne pas dire sexuelle ? Le départ du jeune éphèbe sera donc synonyme d’une panne artistique.


Ozon se plaît aussi à brouiller les clichés, son Peter Von Kant se fait "baiser comme une vache", mais a une fille de quatorze ans. Son Amir est marié, mais ça ne l'empêche pas de coucher à l'occasion avec un noir etça ne l'empêchera pas non plus de jeter Von Kant comme une chaussette pour renouer avec sa femme quand celle-ci, découvrant sa célébrité toute neuve, lui retéléphone.



 

Pour interpréter cet ogre en pleine déchéance, il fallait un acteur ayant une carrure, mais doté d’une vraie sensibilité. Jouant admirablement le registre de l’émotion et du grotesque, Denis Ménochet, se transforme en Fassbinder plus vrai que nature et s’impose comme un acteur génialissime.Il a le physique impressionnant et fait peur par moment.Mais les fêlures ne sont jamais loin. Ayant tourné à deux reprises avec François Ozon dans Dans la maison et Grace à Dieu, il trouve ici le deuxième grand rôle de sa carrière, après Jusqu’à la garde de Xavier Legrand.Isabelle Adjani est excellente en starlette. Elle s’en donne à cœur joie, comme dans Bon voyage deJean Paul Rappeneau. Hanna Schygulla fait des merveilles dans le rôle de la mère. Elle permet bien sûr de faire le lien avecFassbinder.Stefan Crepon, dans le rôle de Karl, l'assistant de Von Kant, avec de simples expressions faciales, sait nous renseigner sur les sentiments de son personnage. Il crève l’écran pendant tout le film sans prononcer un seul mot. Une nomination aux futurs césar 2023 est plus que probable. Khalil Gharbia est franchement transparent et il n’exprime rien. Son interprétation manque un peu de consistance.

L’objet du désir vampirisé et son tyrannique Narcisse s’affrontent dans un huis-clos cruel. Jusqu’au désespoir, les larmes serontamères.

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