SORTIE 25 AOUT - DRAME/COMEDIE
FRANCE/ALLEMAGNE/ITALIE/BELGIQUE - 134MIN
réalisé par BRUNO DUMONT
avec LEA SEYDOUX BLANCHE GARDIN BENJAMIN BIOLAY
Introduction
France est à la fois le portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système, celui des médias. Le film est sélectionné en compétition au festival de Cannes. “Vous pouvez faire un très mauvais film avec une caméra superbe et des grands acteurs c’est pas un critère, comme la salle est pas un critère, c’est pas parce que votre film est en salle que c’est du cinéma” déclarait Bruno Dumont dans son vidéoclub sur Konbini à l’occasion de la sortie de France.
Alors Bruno Dumont a-t-il parfaitement illustré ses propos avec France ? On vous en parle dans notre critique
Une question provocatrice envers un Emmanuel Macron qui a accepté de se prêter au jeu pour le film, c’est de cette manière que commence le nouveau film de Bruno Dumont et à notre grand désespoir, cette scène est une des seules réussites de ce 11ème long-métrage.
Le fait que le président ait accepté d’apparaître dans ce film sans toucher au texte qu’on lui proposait en dit long sur l’état d’esprit du film. Le film semble vraiment compatible avec la politique macronnienne (réputée à droite et servant les plus riches) mais nous en reparlerons plus tard dans cette critique.
Puisqu’ils sont si peu nombreux, commençons par les points positifs de ce long-métrage : premièrement, la musique de Christophe est très efficace et on peut souligner deux themes excellents (déjà présents dans la bande annonce) que l’on pourrait aisément écouter hors-film. Deuxièmement, le travail de David Chambille à la photographie est, il faut le dire, remarquable. Le travail sur les couleurs (notamment le blanc et le rouge) est un plaisir visuel que l’on est forcé d’admirer et qui constitue la seule véritable force de ce film.
Les scènes de reportages sur le terrain sont également réussies, illustrant bien la mise en scène que France met en place pour ramener des images plus alléchantes et cela semble être les seules scènes où, l’espace d’un instant, la réalisation de Bruno Dumont est juste.
Tous les autres éléments du film (à quelques exceptions près) sont purement catastrophiques. France se veut être une critique de la société française et du monde des médias tout en se voulant être une comédie mais le film n’atteint jamais ce stade. L’humour ne fonctionne pas, à tel point que l’on vient se demander pourquoi le film est défini comme une comédie. Si l’aspect dramatique est visible, il semble compliqué d’en dire autant pour l’aspect comique qui est tout simplement inexistant (ou peut-être juste raté).
Les intrigues scénaristiques sont souvent insensées ou inintéressantes et les transitions sont tellement soudaines et incompréhensibles que l’on ne comprend pas comment on passe d’un reportage télévisé à une rédemption bourgeoise à une intrigue amoureuse digne d’un téléfilm du dimanche après-midi. La critique des médias est totalement ratée, hormis l'intrigue de la cure et celle de l’accident, rien ne sort de l’ordinaire et on a juste l’impression d’assister à une dépiction pure et simple du système des médias français sans (presque) jamais opposer une vision critique aux éléments du film. Les seuls actes montrés comme répréhensibles et/ou immoraux sont ceux commis par d’autres envers et contre France (la plupart du temps dans la presse people) tandis qu’elle n’est que trop rarement remise en question. Bien que le propos sur la presse soit totalement inexistant, on peut néanmoins reconnaître au film une critique intéressante de la pression ressentie par les célébrités bien que dans une sous-intrigue trop minime pour pouvoir être efficace.
Le personnage de France n’est jamais crédible, passant le quart du film à pleurer pour des problèmes déconnectés d’une quelconque réalité si ce n’est la réalité bourgeoise créant une barrière bloquant l’identification aux personnages et qui en rend de nombreux antipathiques ainsi qu’un détachement total envers eux si bien que leur sort respectif n’a aucun impact sur le spectateur. En effet, France est un film relatant des problèmes bourgeois plus qu’autre chose, aussi on a l’impression que c’est un film écrit par des bourgeois pour des bourgeois ce qui le dessert en tous points car il se déconnecte de son objectif premier : dresser une satyre de la presse. Mais cela ne s’arrête pas là puisque France a un propos de fond parfois ignoble se rapprochant par moments de l’extrême droite, ainsi on peut par exemple entendre le personnage de Blanche Gardin plaisanter sur le fait que la noyade d’un migrant rejoignant l’Europe aurait été mieux que le reportage proposé par France. De plus, le film est beaucoup trop cliché, créant de mauvaises représentations ou retranscrivant simplement la vision de la bourgeoisie sur les autres classes. L’élément déclencheur du film est lorsque France renverse un jeune homme maghrébin d’un scooter : outre le fait que l’on ne croit à aucun moment à l’accident (la voiture touche à peine le scooter), ce n’est qu’un faire valoir pour qu’une bourgeoise en manque d’estime de soi s’occupe financièrement d’immigrants ne parlant pas bien français, dont la mère est invalide et le père au chômage tout ça pour se donner bonne conscience. Et à la suite de cela, les journaux se moquent d’elle par rapport au simple fait qu’elle ait été en banlieue. On peut également entendre d’autres répliques allant du ridicule (“le capitalisme c’est le don de soi” ou le fameux “on va aller chez Dior choisir les bijoux et la robe” prononcé après une crise d’angoisse de France ce qui a le don de la calmer immédiatement) à l’irrespectueux/l’inconscient (“3000€ c’est dérisoire”). Malgré tous ces éléments, le film ose affirmer que le propos politique ne compte pas par l'intermédiaire d’une question posée à France sur son orientation politique mais la vérité est que France frôle à plusieurs moment l’extrémisme créant des représentations et des remarques dangereuses formatées par un modèle bourgeois.
Ainsi on ne retrouve aucun esprit critique dans le propos de France qui ne se justifie jamais et qui au final est problématique et purement gratuit : France est un film vide qui n’oriente jamais son spectateur, donnant ainsi l’impression que les propos de ses personnages sont les siens
Si les problèmes dans le propos étaient les seuls problèmes du film, on aurait sans doute pu faire abstraction de ces derniers comme c’est le cas avec BAC Nord mais France souffre aussi d’une mauvaise écriture dans sa forme. C’est d’abord un film qui dure au minimum 40 minutes de trop, effaçant toute subtilité, s’attardant sur des détails et scènes inutiles, France est un film interminable devant lequel l’ennui est constamment présent. Plusieurs départs pendant le film, une salle qui se lève quasiment à l’unanimité pour sortir dès le premier noir du générique, France est un film qui n’a pas déplu qu’à nous et devant lequl on ne passe pas un bon moment.
C’est un récit décousu avec des scènes parfois sans queue ni tête devant lesquelles la perplexité est de mise tant on ne comprend pas leur intérêt et ce qu’il se passe à l’écran.
France est également un ramassis d'incohérences qui ne font que renforcer le désespoir que l'on ressent devant ce film. Par exemple, la famille citée plus tôt (aidée par France) qui est donc censée être dans une situation financière du moins compliquée, habite dans un grand pavillon. Ou bien après s’être rendu compte qu’elle se sentait mieux quand on la traitait comme une inconnue et non pas comme une journaliste célèbre, France choisit de reprendre l’antenne qu’elle avait abandonnée un peu plus tôt dans le film ce qui est totalement contradictoire à ce qu’elle a ressenti 10 minutes plus tôt. De plus, le film ne sachant pas quoi proposer pour atteindre ses 2h15 se perd dans ses différentes sous-intrigues dont certaines sont plus ridicules (notamment la romance en général que ce soit celle avec son mari ou celle qui vient plus tard).
Vous l’aurez compris le scénario de Bruno Dumont pose problème tant dans sa forme de part la mauvaise construction scénaristique et le manque de rythme que dans son fond avec des scènes souvent sans intérêt qui délivre un message formaté, plus que caricatural, destiné principalement à la bourgeoisie dont le seul point de vue est montré.
Malheureusement pour le spectateur, le scénario n’est pas le seul élément problématique et si le film dure bien plus qu’il ne le devrait c’est aussi à cause de sa réalisation. Beaucoup (trop) de plans sont étirés sur le temps ce qui, lorsque c’est maîtrisé et sensé, n’est pas forcément un problème. Ici, l’étirement des plans donne probablement l’effet inverse de celui recherché. On peut supposer que ce procédé est utilisé par Bruno Dumont pour laisser de l’espace à ses comédiens et plus facilement capter leurs émotions. Seulement France fait totalement le contraire, la longueur enlève toutes émotions ou authenticité que l’on ressent au début. Le Cut est assurément mal utilisé, intervenant souvent entre 5 à 10 secondes trop tard, ce qui rend plus ridicule la scène qu’autre chose. Le meilleur exemple de cela reste probablement le champ/contre-champ entre Seydoux et Biolay durant le dîner qu’ils organisent : l’émotion et les informations devant passer le font dans les premières secondes mais Dumont décide ensuite de continuer cet échange de regard à outrance ce qui perd la valeur des plans précédents et rend les comédiens moyen voire mauvais.
Il est indéniable que Bruno Dumont cherche à faire du cinéma, utilisant énormément de procédés (travelling, plan large, champ/contre-champ, plan au drone sur le terrain et j’en passe) ce qui en temps normal est une chose que l’on apprécie dans les films mais dans France tout est dans la démesure. C’est un film qui en fait trop et qui devient cinéma dans le mauvais sens du terme, oubliant l’essentiel et donnant un tout vide et froid auquel on reste trop facilement hermétique (ce qui est problématique lorsqu’on cherche à influencer son spectateur et transmettre une critique).
Léa Seydoux prouve une nouvelle fois qu’elle est une grande actrice en étant celle qui se débrouille le mieux, le choix même de son casting était intéressant, étant une enfant de la bourgeoisie elle semblait parfaitement coller au rôle mais c’est un potentiel gâché, puisque l’intérêt de ce choix s’arrête à cette image même si cela contribue, certes à mieux illustrer le propos. Le choix de Dumont de prendre des acteurs amateurs est pour le coup plutôt payant dans sa globalité, ramenant ce que le film a du mal à trouver : un peu d’authenticité. Certains arrivent même à livrer de meilleures performances que les acteurs professionnels, notamment meilleures que celle de Benjamin Biolay qui est ici méconnaissable dans son jeu et qui nous avait habitué à bien mieux. Sa performance reste une vraie déception, frisant le ridicule à beaucoup trop de moment et donnant l’impression d’assister à un mauvais téléfilm. Blanche Gardin, de son côté, livre une performance mitigée, mélangeant le bon et le mauvais tout en étant desservie par son personnage dont on a du mal à voir l’utilité et qui est loin d’être essentiel au récit.
Le montage se couple à la réalisation, réalisant souvent les cuts au mauvais timing, ajoutant plus d’images qu’il n’en faut et proposant des raccords plus que douteux dans certaines scènes. L’exemple le plus parlant est la scène de l’accident, truffée de faux raccords sur les acteurs dans la voiture, et grossissant beaucoup trop le trait en montrant beaucoup trop.
France est une coquille vide, agréable à regarder dans l'esthétique mais créant un ensemble vide dans la forme. Supprimant toutes émotions, le film ne fait aucun effort pour inclure les spectateurs qui restent hermétiques face à la proposition qu’ils ont devant les yeux : France est un film de bourgeois laissant en dehors tous ceux qui n’appartiendraient pas à sa classe sociale. On assiste à un ensemble vide, durant au minimum 40 minutes en trop et ne provoquant que de la colère chez le spectateur tant le film est un pari raté. Les performances d’acteurs sont pour la plupart ridicules et la vision dépeinte y est caricaturale. Bruno Dumont illustre à moitié ses propos, proposant un très mauvais film avec une caméra superbe et de grands acteurs et voulant faire tellement de cinéma qu’il y perd l’effet recherché à la base. France est une proposition radicale qui, comme dans mon cas, peut provoquer un rejet viscéral.
France est donc une immense déception qui n’a suscité chez moi que de la colère et c’est pour l’instant le pire film qu’on ait pu voir cette année.
LES PROPOS TENUS DANS CETTE CRITIQUE N’ENGAGENT QUE LE RÉDACTEUR
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