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Photo du rédacteurHugo (@__cinemaccro__)

La TERRE DES HOMMES : CRITIQUE

Dernière mise à jour : 25 sept. 2021



SORTIE 25 AOUT - DRAME - FRANCE - 99MIN

réalisé par NAEL MARANDIN

avec DIANE ROUXEL FINNEGAN OLDFIELD JALIL LESPERT

 

PRESENTATION Constance est fille d’agriculteur. Avec son fiancé, elle veut reprendre l’exploitation de son père et la sauver de la faillite. Pour cela, il faut s’agrandir, investir et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Battante, Constance obtient le soutien de l’un d’eux. Influent et charismatique, il tient leur avenir entre ses mains. Mais quand il impose son désir au milieu des négociations, Constance doit faire face à cette nouvelle violence. La Terre des Hommes est le deuxième film de Nael Marandin après La Marcheuse en 2016, il est dans la sélection de la Semaine de la Critique 2020.

 

En allant voir La Terre des Hommes, je n'avais connaissance que de deux choses : la première était le fait que l'équipe du film serait présente à l'avant-première, la deuxième était l'affiche du film que j'avais aperçu avant d'aller voir le film. Aucun synopsis, aucun trailer, autant dire que je m'attendais à un pur drame agricole. Quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai découvert pendant le film que le côté agricole sert ici de décor à des choses bien plus graves..…

Car oui comme le suggère le trailer (que j'ai regardé après coup) le personnage de Constance se fait bien violer.

Ce premier parti pris est plutôt intéressant à analyser, des films qui abordent le viol existent depuis de nombreuses décennies on peut citer notamment La Source de Bergman qui a inspiré Craven pour son premier long-métrage La Dernière Maison sur la Gauche, mais également des films comme Irréversible de Gaspar de Noé, Revenge de Coralie Fargeat ou encore le récent Violation dont nous avons parlé lors du BIFFF qui sont eux plus récents. Le point commun entre les films cités est le sous-genre de l'horreur du rape and revenge : une femme se fait violer et va/se fait venger, ce genre s'est répondu ces dernières années et c'est pour cela qu'on retrouve beaucoup de films récents avec ce pitch. Mais La Terre des Hommes déroge à la règle, et à la manière d'un Slalom (Charlène Favier, 2021) aborde les abus masculins dans un milieu bien précis. Ici le point de vue abordé est celui de la victime, de la scène de viol en elle-même jusqu'à la fin du film.

Cette scène du viol est d'ailleurs centrée sur Constance, le réalisateur fait le choix de nous montrer le haut de son corps uniquement de côté cachant ainsi le violeur. Ce procédé plutôt rare favorise l'identification et accentue fortement l'empathie que l'on a déjà tout en nous clouant au fond de notre siège devant le spectacle atroce auquel nous assistons.


Naël Marandin utilise énormément le plan séquence pour mettre son personnage principal au cœur du film. En effet la caméra suit constamment Constance en gardant le focus sur elle et dans les cas où elle viendraient à bouger, c'est, la plupart du temps, pour suivre le personnage et se concentrer sur lui. On a par exemple en tête la scène après le mariage où Constance cherche Bruno, l'homme tout juste devenu son mari autour d'une douzaine d'invités sans le trouver ou encore un plan fixe relativement basique dans la maison familiale avec dans un premier temps à l'image Bruno et son beau-père, puis entre Constance sur qui se fait le focus et la caméra va très légèrement pivoter à gauche dans l'unique but de la suivre.

Le seul moment où le film semble échapper à ce procédé est lors des confrontations entre Constance et Sylvain. La focalisation se fait plus aléatoirement dans ces scènes, pas de personne spécifiquement ciblée mais la plupart du temps une alternance en fonction de la parole bien que Sylvain soit montré d'une manière plutôt menaçante qui nous fait craindre le pire pour Constance à chaque instant lors de ces scènes.

Le film est également unique pour tout son propos sur le point de vue judiciaire de l'affaire. En effet, à un moment donné Constance se décide à porter plainte ce qui va déchaîner des réactions déshumanisantes de la part des autres agriculteurs ou même de certains de ses proches. C'est comme si tout était fait pour la dissuader "ça va être dur, il va y avoir une confrontation, on va interroger vos proches, ça risque de mener nulle part" lui dit le policier au moment de sa déposition, "si c'était vrai tu m'en aurais parlé ? [...] Pense à sa famille, sa femme, ses gosses" lui dit sa meilleure amie ou encore "oh ça va tu vas pas porter plainte contre moi aussi" lui dit un autre agriculteur après qu'elle lui ait enlevé sa main de son épaule. Le film est une véritable depiction de l'enfer que vivent les victimes de viols, montrant que contrairement à ce que certaines personnes peuvent dire, ce n'est pas si simple d'aller porter plainte, et de vivre avec cette affaire au quotidien. Il faut avouer qu'on a rarement vu un film traitant le sujet allant aussi loin dans le réalisme des choses, avec un point de vue juste à ce point.


Une des scènes les plus horribles à regarder est celle où une poignée d'agriculteurs enferment Constance dans un enclos à vaches et simulent une vente aux enchères. Outre le fait que cette scène soit montrée encore une fois du point de vue du personnage principal, c'est également une des scènes qui fait prendre au titre tout son sens. Constance est une femme dans un milieu d'hommes, agriculture au milieu d'agriculteurs. "La Terre" est ici la terre au sens (à compléter) et symbolisant l'agriculture. Les hommes bien que majoritaires ne peuvent pas comprendre la situation de Constance mais possèdent quand même "la terre" (ici les fonds nécessaires pour lancer son activité) dont elle a besoin pour son projet. Le titre est également révélateur sur le sens humain, cette interprétation du titre est néanmoins paradoxale au vu des actes déshumanisants commis dans ce long-métrage. En effet, cela sous-entendrait sur la Terre (ici dans le sens planète) appartiendrait encore aux personnes ayant réussi à garder leur humanité, bien que minoritaire dans le film.

Une troisième interprétation du titre pourrait se porter sur le point de vue juridique des choses : la "terre" serait ici le statut d'intouchable, qui prime pour la plupart des hommes lors d'accusation comme celle-ci.

Les condamnations sont rares et même dans le cas où elles seraient prononcées la route pour y arriver reste longue et laissant un préjudice moral terrible pour la victime.

L'acting est également excellent, toutes les performances fonctionnent et sont crédibles, on sent un très bon travail sur le casting et la direction d'auteur. Si on devait en sortir du lot ce serait peut-être Jalil Lespert qui campe ici l'agresseur et qui est assez terrifiant dans son rôle notamment dans la froideur qu'il peut avoir dans certaines scènes. On peut également saluer le duo Diane Rouxel-Finnegan Oldfield qui déborde d'une alchimie qui ne peut que rendre leur performance authentique et sincère.

Mais s'il y a une personne qui se démarque du lot c'est bien Diane Rouxel, avec un personnage au centre de l'attention, elle arrive à passer brillamment par tous les états de celui-ci et pour reprendre les mots du réalisateur, c'est véritablement elle qui "porte le film". On sent qu'elle a compris l'enjeu de son rôle et elle l'applique parfaitement à l'écran ce qui fait que le film fonctionne encore plus que ce qu'il fonctionnait déjà. Elle comprend parfaitement la complexité de son personnage, bloqué dans un dilemme : choisir de dénoncer ce qu'elle a vécu et probablement perdre son projet ou bien garder le silence pour espérer se sortir de la situation financière et professionnelle dans laquelle elle est.

La Terre des Hommes est assurément un des meilleurs films de l'année, ayant une très bonne maîtrise de son sujet, c'est un film qui réussit son pari en détournant un genre (le drame agricole) pour aborder quelque chose de plus grave. Les acteurs sont absolument excellents, ce qui donne un film emplie d'une authenticité folle et on peut sans trop abuser espérer des nominations aux César notamment pour Diane Rouxel.

Alors on ne vous promet pas que vous passerez un bon moment devant le film mais toujours est-il qu'il n'en est pas moins qualitatif !

La Terre des Hommes qui, bien que montrant des choses compliquées à l'écran, est un film à voir. Nous vous le déconseillons néanmoins dans le cas où ce genre d'intrigue pourrait provoquer quelque chose chez vous pour une quelconque raison car il est fort possible que vous soyez contraint de sortir de la salle si ce sujet vous touche particulièrement

 

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